Le romancier

Guy de Pourtalès est l’auteur de cinq romans, de La Cendre et la Flamme en 1910 à La Pêche miraculeuse en 1937. Sur le plan formel, chaque projet présente des caractéristiques propres, au gré des influences qui s’exercent sur l’auteur (les romantiques, les classiques, Stendhal, Benjamin Constant), et de l’orientation spécifique au texte. Marins d’eau douce (1919) s’inscrit dans une esthétique post-romantique et « impressionniste », Montclar (1926) est l’héritier du XVIIIe siècle et de Constant, La Pêche miraculeuse (1937) se situe dans la veine des cycles romanesques. Ces trois romans sont à forte composante autobiographique : ils s’inspirent en bonne partie de faits vécus par l’auteur, et s’attachent à l’explication de soi, par le biais de l’introspection ou de mémoires fictionnalisés.

Le biographe

En 1926, Pourtalès publie La Vie de Franz Lizst, premier volume de la collection « Vies des hommes illustres » chez Gallimard. Jusqu’en 1939, il livre à cet éditeur ainsi qu’à Grasset plusieurs ouvrages de même nature, et devient un véritable phénomène de librairie : Chopin ou le Poète (1927), Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi (1928), Nietzsche en Italie (1929), Wagner, histoire d’un artiste (1932), Berlioz ou l’Europe romantique (1939) atteignent des tirages de 70 000 exemplaires, sont traduits en plusieurs langues et assurent à son auteur de confortables revenus. Pourtalès prolonge ce succès en donnant à travers l’Europe des tournées de conférences accompagnées de morceaux joués au piano par des interprètes prestigieux. En 1934, il songe à réunir ces récits sous le titre L’Europe romantique, en leur adjoignant trois romans (Marins d’eau douce, Montclar et la première mouture de La Pêche miraculeuse, « ma vie à moi » note-t-il dans son Journal). Ce projet ne voit pas le jour, mais en 1949 Gallimard rassemble les six volumes centrés sur un artiste sous le même titre, avec des aquarelles de Grau Sala.

L'essayiste et le chroniqueur

Outre des récits et des biographies, Pourtalès est l’auteur de très nombreux articles, chroniques et études publiés dans des périodiques spécialisés, des revues littéraires ou la presse quotidienne. Les deux guerres mondiales, les bouleversements sociaux et économiques de l’entre-deux-guerres, la montée des fascismes, la transformation d’un monde dont Pourtalès était à la fois le produit et l’incarnation, toutes ces raisons ont conduit l’écrivain à intervenir dans les débats de son temps, que ce soit pour aborder la question du colonialisme, s’exprimer sur le totalitarisme, questionner le rôle de la Société des Nations, mais aussi défendre le statut des intellectuels ou lancer la « querelle des mauvais maîtres » en 1940. S’exprimant dans des journaux et des périodiques situés de part et d’autre de l’échiquier politique, il donne des articles au Figaro et au Temps comme à Marianne. Cependant, l’Europe que Pourtalès voit sombrer est moins politique que culturelle. Et c’est évidemment le domaine littéraire et musical qu’il a le plus souvent arpenté dans la presse et les périodiques, à La Nouvelle Revue française notamment. Il a consacré des articles aux psaumes de la Réforme, à Odet de La Noue, à Benjamin Constant, à la bibliophilie, aux musiciens romantiques, à Shakespeare ou aux écrivains français du XIXe siècle. Une partie de ces textes a été recueillie dans deux volumes, De Hamlet à Swann en 1924 (Paris, Crès) et Les Affinités instinctives en 1934 (Paris, Les Éditions de France).

L'épistolier

Le fonds d’archives de Guy de Pourtalès conserve des originaux ou des copies de plus de huit mille lettres reçues ou envoyées. L’écrivain est un épistolier prolifique, car il correspond avec ses pairs, hommes de lettres et artistes, nombre d’éditeurs et de directeurs de périodiques, des relations familiales, amicales ou mondaines en France, en Suisse et ailleurs. À cela s’ajoutent les lettres échangées dans le cadre des recherches sur la musique ou l’histoire, et celles concernant l’organisation des innombrables conférences données par Pourtalès. Trois volumes de Correspondances ont paru (Genève, Slatkine, 2006-2014), qui rendent compte de cette richesse en donnant à lire presque mille lettres. On y découvre les lettres de et à René Benjamin, Carl J. Burckhardt, Jacques Chenevière, Gonzague de Reynold, François Le Grix, André Suarès, Roger Martin du Gard, François Mauriac, mais aussi Gaston Gallimard, Stefan Zweig ou Ella Maillart.

Le diariste

La pratique du journal est bien ancrée dans la famille de Guy de Pourtalès. Au cours de la Grande Guerre, il lit les manuscrits de ses aïeux Alexandre et Frank Marcet, publie une partie du journal de ce dernier, s’intéresse aux écrits autobiographiques de Benjamin Constant, avec qui il est apparenté. Pourtalès a lui-même tenu un journal de manière irrégulière depuis ses années de formation jusqu’à sa mort, écrivant dans des cahiers de taille variée, dans des agendas, voire de petits blocs-notes. Lorsqu’il est mobilisé, en août 1914, il ouvre un nouveau carnet, pour la circonstance, au format de poche adapté à la vie militaire. De 1914 à 1919, il poursuit de la sorte, numérotant à la suite les calepins et les intitulant parfois « Journal de la Guerre ». Les années de guerre sont donc l’objet d’une attention particulière. C’est que Pourtalès écrit dans une perspective de mémorialiste plus encore qu’en diariste. Ses carnets doivent lui servir – et lui serviront à la fin de sa vie – à rédiger des mémoires. D’où l’insistance sur les événements auxquels il a été mêlé, sur les circonstances extérieures, sur les rencontres, et peu sur ses sentiments. Ce qui est vrai des années de guerre ne l’est pas d’autres périodes de la vie de Pourtalès. Au début des années 1930, une relation amoureuse le conduit à s’épancher dans son journal, à détailler l’évolution de ses états d’âme, allant jusqu’à évoquer les moments d’intimité. Les deux volumes publiés du Journal ne donnent que partiellement ces pages, par souci de discrétion. Pourtalès a utilisé son journal dans des projets d’écriture, notamment pour ses mémoires inachevés, intitulés Chaque mouche a son ombre, mais pas seulement. Le voyage en Orient de Montclar s’appuie sur la relation dans le journal du propre voyage de l’auteur, en 1904. Florentines est une réécriture de notes prises au cours d’un séjour en Toscane en 1928, tout comme Nous, à qui rien n’appartient reprend, sous une forme révisée, les impressions de Pourtalès en Indochine, en 1930. Plusieurs chapitres de La Pêche miraculeuse, enfin, empruntent à des épisodes consignés dans le Journal de la Guerre.

Bibliographie

Nous donnons ici les volumes disponibles en librairie ou à paraître prochainement. Pour la liste complète des titres publiés par Guy de Pourtalès, voir les repères biographiques.

Romans

Marins d’eau douce, édition de Stéphane Pétermann, Carouge-Genève, Zoé, 2016.

Montclar, édition de Michel Delon, Gollion, Infolio, 2017.

La Pêche miraculeuse, édition de Stéphane Pétermann, Gollion, Infolio, 2016.

Biographies

Chopin suivi de Liszt, Bécherel, Les Perséides, 2010.

Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi, Lausanne, L’Âge d’Homme, « Poche Suisse » 21, 1990.

Nietzsche en Italie, Lausanne, L’Âge d’Homme, « Poche Suisse » 102, 1992.

Wagner, histoire d’un artiste, Gollion, Infolio, 2013.

Essais

À mes amis suisses, édition d’Alexandre Elsig, Gollion, Infolio, 2016.

Nous, à qui rien n’appartient. Voyage au pays khmer, Paris, Éditions Kailasch, « Les Exotiques », 2011.

Nous, à qui rien n’appartient. Voyage au pays khmer, édition de Franck Laurent, Gollion, Infolio, 2017.

Correspondances

Correspondances, t. I 1909-1918, édition présentée, établie et annotée par Doris Jakubec, Anne-Lise Delacrétaz et Renaud Bouvier, Genève, Slatkine, 2006.

Correspondances, t. II 1919-1929, édition présentée, établie et annotée par Doris Jakubec et Renaud Bouvier, Genève, Slatkine, 2010.

Correspondances, t. III 1930-1941, édition présentée, établie et annotée par Doris Jakubec et Renaud Bouvier, Genève, Slatkine, 2014.

Journal

Chaque mouche a son ombre, t. I, 1881-1919, Paris, Gallimard, 1980.

Journal, t. II, 1919-1941, préface et présentation de Rose et Yvonne de Pourtalès, avec la collaboration du Centre de recherches sur les lettres romandes, Paris, Gallimard, 1991.

Journal de la Guerre. 1914-1919, édition établie, annotée et présentée par Stéphane Pétermann, Carouge-Genève, Zoé, 2014.

Voyage en Extrême-Orient, texte établi et annoté par Claudine Gaetzi et Stéphane Pétermann, introduction de Françoise Fornerod, Gollion, Infolio, 2017.